La Chartreuse de Liège

Même si le nom évoque un établissement religieux, qui occupa effectivement les hauteurs de Liège pendant plusieurs siècles et que sa position dominante conduisit Coehorn (le rival hollandais de Vauban) à fortifier à la fin du XVIIe siècle, avant que d’être entièrement détruit par les révolutionnaires français en 1794, les plus anciens éléments de la Chartreuse telle que nous la connaissons remontent à 1817, quand le roi des Pays-Bas, débarrassé de Napoléon mais pas du danger français, décida la construction d’une ligne de forts protégeant son royaume, aux frais du vaincu. Le plateau de la Chartreuse offrait une excellente position.

Sur un plan non seulement ancien mais déjà dépassé, ignorant les progrès de la fortification dus à Montalembert et à Le Michaud d’Arçon, une enceinte pentagonale bastionnée protégeait le bastion de gorge formant réduit, lequel contenait le cavalier et sa caserne, formé de trois ailes en arc s’appuyant sur ses faces. C’est lui qui constitue les deux premiers niveaux du casernement que nous connaissons. Sur la terrasse prenaient place des pièces d’artillerie. Wellington en personne, dit-on, donna son avis sur les dispositifs de défense. D’ailleurs, les casemates du premier étage portent son nom. En outre, il y avait des galeries de contrescarpe, des demi-lunes, des tenailles, etc.

En 1830, ce fleuron de la fortification hollandaise, assez négligemment défendu malgré sa fière devise, Nihil intentatum relinquit virtus (le courage ne laisse rien qu’il n’ait tenté) fut occupé sans coup férir par une soixantaine de Liégeois.

Les six décennies suivantes, plutôt paisibles pour la Belgique désormais indépendante, furent toutefois marquées vers 1886 par la crise de l’obus-torpille. Non seulement la Chartreuse n’avait aucune chance devant ces nouvelles munitions, mais son renforcement, à l’inverse de quelques forts de Raymond Séré de Rivières, était hors du possible. Alors on la déclassa, on rasa ce qui ne servait plus, on ajouta deux niveaux au cavalier et on en fit une caserne.

Pendant la Première Guerre mondiale, les Allemands, une fois maîtres de la ville, y incarcérèrent les Belges résistants, et même y fusillèrent 49 d’entre eux. La Wehrmacht y cantonna à nouveau en 1940 après avoir achevé les casernements modernes entrepris en 1939.

Enfin, la paix revenue, la Chartreuse redevint caserne mobilisatrice, avant d’être abandonnée par l’armée en 1982. Troublé par les seuls oiseaux et les bruits lointains de la ville, le silence du couvent fantôme plane à nouveau sur ces lieux.

 

 

 

A l’articulation des ailes, on distingue les traces de l’ancien niveau de la plate-forme d’artillerie.

 

Cachées dans l’escarpe de l’ancienne face du bastion, les embrasures de tir vers le fossé à présent comblé sont les rares témoins des défenses primitives.

 

Un des magasins originels près de la gorge de l'ancien réduit.

 

 

 

Les anciennes plates-formes d’artillerie transformées en nœud de circulation, et en ce jour recouvert d'un fin tapis de neige...

 

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