Depuis février 1910, quand vint au jour la première berline chargée
de potasse, jusquà la fin imminente de la mine Amélie, la dernière et aussi la
première, les 20 300 hectares du bassin potassique alsacien, au nord-ouest de
Mulhouse, furent percés de 24 puits surmontés dautant de chevalements. Bien que ce
gisement neût ni létendue ni lancienneté des bassins ferrifères et
houillers français, sa localisation très concentrée et limportance agricole de la
potasse, extraite en réalité sous la forme dun mélange de chlorure de potassium
et de chlorure de sodium appelé sylvinite, en firent un des centres miniers les plus
importants de notre pays. Dès les années 30, des usines de traitement et de production
dengrais essaimèrent jusquà Rouen (l'Usine
des Potasses est une de ces reliques)
Dès le retour de lAlsace à la France, les concessions furent
exploitées par deux sociétés, lune publique, les MDPA, qui réunissait dans ses
mains danciennes mines, lautre privée, dénommée Kali Sainte-Thérèse. Mais
une seule société commerciale écoulait sans discrimination les produits de ces deux
rivales.
Ni le matériel ni les techniques navaient à envier quoi que ce
fût aux grandes mines charbonnières : pour un recouvrement compris entre 450 et
1030 mètres, chevalements, machines dextraction, roulage au fond, techniques et
matériels dexploitation étaient semblables. En revanche, alors que dans les
houillères le charbon ne faisait lobjet que dun lavage-criblage, en Alsace la
sylvinite, dabord simplement broyée, passa ensuite, au fil des progrès techniques,
par différentes méthodes daffinage physico-chimiques : traitement thermique,
lévigation, flottation, extraction du brome, production de bicarbonate de potassium, de
sel de déneigement.
Lépuisement des gisements, qui à leur fermeture auront livré
quelque 600 000 000 tonnes de sel, ainsi que quelques autres considérations
économico-libérales, sonnent dans les deux dernières décennies du siècle le glas des
mines de potasse, qui ferment lune après lautre.
Aujourdhui encore, bien que là comme ailleurs la sinistre rage
du démantèlement exerce mois après mois ses ravages, dans le dessein dôter la
mémoire à ceux quon a déjà privés de travail, les paysages du bassin persistent
à montrer, plus ou moins abîmés, les beffrois de lindustrie minière toujours
fiers dans leur abandon.
Les internautes désireux dapprofondir ce passage de lhistoire de
lindustrie minérale liront avec intérêt les Mines de potasse dAlsace,
de Roger Weissenberger, et, de Françoise Berthelot-Dieterich, La difficile naissance
des Mines domaniales de potasse dAlsace, sans évidemment que cette liste soit
exclusive.