La centrale de Gennevilliers


La centrale de Gennevilliers n'existe plus depuis deux ans.
Peu importe ce qui prendra sa place. Un étron (1), probablement, comme trop d'architectes ont l'habitude de nous en poser fièrement sous le nez...
Les pages sur la défunte centrale ne manquent pas sur internet. Cela va de la tentative poétique à l'exposition pure et simple de photos, mais curieusement (2) personne ne parle de la particularité qui rendait exceptionnel ce complexe, la coupe pédagogique du groupe turbo-alternateur Alsthom, envoyé à la casse bien qu'étant en France le seul matériel didactique de ce type.

(1) Je pèse mes mots.
(2) Curieusement, curieusement, je me le demande. Il est significatif que même les explorateurs urbains les plus acharnés aient ignoré superbement une pièce dont la possession rendrait incontournable n'importe quel musée technique. Il est encore plus significatif qu'aucune institution culturelle n'ait daigné trouver les fonds.

Bien que la grande centrale de Gennevilliers ait été construite à partir de 1921, le complexe encore debout il y a quelques années n'avait plus rien de commun avec la première version.

Au cours des années suivantes, des modifications firent coexister anciens et nouveaux générateurs, de sorte que la puissance disponible sous 60 kV à la sortie du poste électrique, délivrée initialement par six groupes turbo-alternateurs de 35 kVA chacun, était fournie à la fin de la guerre par deux groupes de 50 MVA et deux groupes de 40 MVA, alimentés par douze chaudières. L'ingénieur Arrighi de Casanova, qui laissa son nom à la centrale de Vitry, prit d'ailleurs une part essentielle aux travaux d'agrandissement des années 30.

Déjà prévue au long des années de guerre et grandement facilitée par les dégâts occasionnés par les bombardements, une nouvelle étape de modernisation fut mise en chantier entre 1946 et 1950, consistant, après retrait des anciennes installations, en la mise en place de deux groupes de 110 MVA, un Alsthom et un General Electric acheté aux Etats-Unis, dont la vapeur provenait de six chaudières à haute pression, hébergées par le bâtiment central de briques sur une ossature métallique. L'industrie française ayant été un peu malmenée, là aussi la moitié vint des USA. Il s'agissait de Babcock & Wilcox à charbon, celles-là même qu'on vit à Gennevilliers jusqu'au dernier moment. Cependant, pendant plusieurs années coexistèrent nouvelles et anciennes chaudières, les Ladd-Belleville abritées dans le bâtiment vert, les Rauber-Luquet dans l'aile symétrique.

Le dépouillement des bâtiments qui ne veulent être qu'une enveloppe de machines n'est relevé que par quelques bandeaux et une corniche très simple sur la façade principale de la halle et par le traitement géométrique des portes dont le motif décoratif fait penser à l'umbo d'un bouclier.
Toute l'emprise de la centrale était parcourue par des voies ferrées en écartement normal, raccordées au faisceau de la gare Saint-Lazare passant juste à l'est. Quant à l'immense parc à charbon longeant la Seine, il était alimenté par chalands, et le bâtiment rouge visible ci-dessus était transpercé d'un transporteur à bande déversant jour et nuit le noir combustible dans les broyeurs.


Ci-dessous, l'un et l'autre groupe, tous deux Alsthom, le groupe General Electric n'ayant pas accompagné les dernières années de la centrale.