L'hôtel-Dieu de la Trinité d'Etampes (suite)

De l'autre côté de la rue Baugin, une longue aile implantée parallèlement à cette voie, et ayant son entrée particulière rue du Ronneau, était néanmoins reliée aux bâtiments principaux par une passerelle. Cette aile et cette liaison, remontant vers 1750, initialement prévues pour la maternité, avaient été remodelées et réaménagées à plusieurs reprises, finissant en 1912 par être réservées aux incurables, satisfaisant ainsi à la loi du 14 juillet 1905 rendant obligatoire l'assistance aux ultraseptuagénaires et aux infirmes et incurables de plus de quinze ans. L'hospice était tenu de recevoir au moins six incurables d'Etampes (du coup les sœurs en avaient assez de voir ces six lits sans vieux). Il y avait en fait 12 lits et 3 isolements pour les plus tapageurs.
Vers 1930, ces salles ont été réaffectées à la médecine.

Comme cela se faisait assez couramment, les malades n'avaient pas d'armoire personnelle à proximité de leur lit. Des casiers, désespérément petits, placés dans le vestibule, y pourvoyaient.
Ah ah, les fameux isolements qui ont laissé à chaque explorateur urbain un délicieux frisson dans l'échine ! L'occupant de chaque cellule pouvait être observé de deux façons : par le couloir de circulation proprement dit, dont les portes solidement fermées étaient munies d'un guichet, et par le couloir arrière de surveillance, séparé des cellules par des blocs de verre armé et par des vitres ouvrantes protégées de grilles. C'est depuis ce couloir que les surveillants manoeuvraient les chasses d'eau, la chaîne pouvant sans doute être une arme redoutable, ne serait-ce que d'autolyse.

Le siège à la turque était donc moulé dans la cellule. On remarque que les locaux ne sont pas capitonnés. Probablement les agités trop véhéments étaient-ils entravés par une camisole ou attachés à leur lit.
Les sous-sols, utilisés initialement comme servitudes (calorifère, charbon, puits, etc.) furent assez vite récupérés. La construction en voûtes maçonnées les rendit très désirables en tant qu'abris de défense passive. Ils servaient aussi à la cuisine semi-enterrée (sous le pavillon blanc, et communiquant avec le rez-de-chaussée par le monte-plats déjà vu), ainsi qu'à l'installation d'une petite morgue réfrigérée (localisée sous l'aile parallèle à la rue Baugin).
Au rez-de-chaussée de l'aile Baugin fonctionna quelques décennies un dispensaire. Toutes les constructions de cette parcelle ayant été de toute façon ratatinées, il n'en reste plus que des souvenirs photographiques, bons ou mauvais pour les utilisateurs, comme cette haute et étroite porte mélancolique.
Après une longue période d'abandon, les travaux ont repris dans l'ancien hospice. Malgré les illustrations conventionnelles des affiches apposées par les promoteurs, il est à craindre que moult jolies façades, comme celles du portique et de l'économat, disparaissent à jamais. En cette matière, le pessimisme n'est jamais excessif. Cela dit, la passerelle semble devoir être conservée.
Sources :
Archives départementales de l'Essonne ;
Archives municipales d'Etampes ;
Essais historiques sur la ville d'Etampes, Maxime de Mont-Rond, 1836 ;
Etampes, en lieux et places, Frédéric Gatineau, association A travers champs ;
Entretien avec M. Paillasson.

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