Le
quatuor de Luzancy
" ... les vestiges qui subsistent s'inscrivent comme autant de repères
à livrer à une
archéologie industrielle soucieuse de conserver
la mémoire d'une
aventure humaine collective. "
Fernand Baert
La géologie du bassin parisien est
telle que l'exploitation simultanée de deux roches différentes n'a rien de rare, comme
par exemple dans la célèbre carrière Lambert de Cormeilles, où l'extraction du gypse
s'accompagne de celle de l'argile susjacente. Quand, sur un même site, une troisième
exploitation sous-mine les deux autres, c'est inhabituel. Mais si quatre matériaux sont
à la fois exploités et traités dans le même périmètre, ça devient une
exceptionnelle curiosité.
Ce fut pendant plusieurs décennies
le cas à Luzancy, aux confins orientaux de la lentille gypseuse, dans le complexe
édifié à partir de 1908 sur les bords de la Marne, vecteur de choix pour les
pondéreux, menace aussi pour l'entreprise en cas d'inondation.
La principale fabrication, qui
survécut aux autres à partir des années cinquante pour cesser en 1977, était celle de
la brique. L'argile extraite, grattée, délitée, foulée, était moulée en
briques, séchée puis cuite dans les deux fours Hoffmann. |
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Les produits de combustion
étaient évacués par une remarquable cheminée d'environ 45 mètres au tirage assuré
par une soufflerie mécanique.
Tout près, contre le flanc de la
colline, les ouvriers de l'usine à plâtre recevaient les blocs de gypse, les montaient
en fours à l'air libre où la cuisson les transformait en plâtre. Après broyage et
tamisage, il était stocké par qualités dans les silos avant ensachage.
Occasionnellement, le gypse cru a
été directement broyé et expédié en Hollande pour épandage sur les polders
détrempés par les inondations militaires de 1940.
La carrière de gypse, creusée
dans la deuxième masse et accessible par un tunnel de plus de 500 mètres, praticable
aujourd'hui encore, était reliée aux installations de traitement par des
treuils à wagonnets dont il reste des vestiges. Avant l'installation d'un
téléphérique entre l'argilière du plateau, où étaient également moulées des
briques, et l'usine, leur transit était assuré par un puits de cinquante mètres
entre l'argilière et la carrière souterraine, où les wagonnets treuillés prenaient le
relais.
Au-dessus des argiles, la pierre
meulière extraite et stockée était soit vendue telle, soit concassée et criblée en
trois granulométries pour les couches des routes.
Enfin, tout en bas, chose rarissime
dans notre région, vivotait une petite exploitation souterraine par rameaux de dolomie
qui, cuite dans les fours à briques, servait d'amendement.
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Cet étonnant
complexe industriel, déjà blessé à mort en 1977 quand il ferma, est à présent voué
à l'oubli. Si, pendant vingt-cinq ans, la végétation lui fit peu à peu cet
écrin complice qui exalte le charme des ruines cher à Hubert Robert, aujourd'hui les
quelques bâtiments encore épargnés se retrouvent privés de sens au milieu de banals
terrains vagues dont seule la terre, pour longtemps rougie par les décennies de
production briquetière, rappelle qu'un jour ce village fut actif. La cheminée est
abattue, les silos à plâtre, les charmants bâtiments administratifs, ne sont plus qu'un
lointain souvenir. Telle est la glorieuse fin de l'histoire... |
Merci à Titan pour ces quelques photos du site avant que la démolition n'ait commencé,
lorsque la cheminée couronnait encore l'usine... Et merci à Eric pour ses photos
de la briqueterie.
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