L’éolienne Bollée de Pomponne

Vers le milieu du XIXe siècle, au moment où l’agriculture quittait l’ère des parcelles familiales pour commencer sa concentration, rendue nécessaire par l’accroissement de la population, plusieurs industriels ou ingénieurs s’attachèrent à développer des machines élévatoires mues automatiquement par l’énergie éolienne dans le dessein d’assurer une irrigation régulière des cultures en puisant dans les nappes phréatiques. Un de ces ingénieurs, par exemple, fut Dupuy de Lôme, surtout connu pour ses réalisations navales.

Malgré tout, ces éoliennes sont très imparfaites : d’abord le rendement, similaire à celui d’un moulin à vent, n’excède pas 20 % ; deuxièmement, même si un gouvernail permet aux pales de suivre la direction du vent, une surveillance continue est nécessaire pour diminuer la surface alaire en cas de grand vent.

Parmi tous les chercheurs se détacha bientôt Ernest Bollée du Mans qui, en 1868, déposa un brevet de machine éolienne hydraulique, complété en 1885 par son fils Auguste et exploité par leur successeur, l’ingénieur Edouard Lebert. Ces aéromoteurs présentent deux caractéristiques fondamentales : d’abord le moteur est une turbine constituée d’un stator formant déflecteur et d’un rotor, ce qui augmente le rendement, ensuite un dispositif remarquablement ingénieux met automatiquement la turbine au vent pour des vitesses normales, et, en cas de tempête, l’oriente en drapeau ce qui annule sa prise au vent.

 

 

L’éolienne du château de Chaâlis, à Pomponne, est l’une d’elles. Il s’agit, en importance, du deuxième modèle du catalogue, le n° 3, et le bâtiment du puits, tout à fait inhabituel, est vraiment élégant. Aujourd’hui menacée par le TGV Est mais objet de tentatives de sauvegarde par une association patrimoniale locale, elle doit pourtant être préservée. Notre espoir est que son insertion dans Reliques épaulera, même modestement, l’action de cette association.

 

Le petit bâtiment du puits.

 

 

Un embrayage disposé sur le vilebrequin des pompes, muni d’un large volant d’inertie, le calait soit sur l’arbre de la turbine soit sur un moteur à pétrole logé dans le bâtiment du puits (ci-contre la poulie réceptrice et la démultiplication), ce qui assurait le fonctionnement même par manque de vent.

 

 

Le puits surmonté du volant.

 

Le réservoir tampon se situait à 800 mètres du pompage. Un antibélier en dérivation sur la canalisation la protégeait des surpressions.

 

Vers les parties hautes.

 

Le mât, creux et haubanné, héberge un arbre recevant par un couple conique le mouvement du rotor pour le transmettre, en bas, par un second couple, au vilebrequin. Autour l'étroit escalier en colimaçon qui nous emmène 17 mètres plus haut vers la plate-forme.

 

La plate-forme de service à la rambarde de fer forgé, cantonnée des quatre symboles cardinaux, est accessible par un trou d’homme.

 

 

 

Le système de direction est encore opérationnel, malgré l’absence du moulinet. Celui-ci, habituellement perpendiculaire à la turbine, tend à se mettre en drapeau et, au cours de ce mouvement, oriente la turbine pour, au contraire, la mettre au vent. Si le vent est trop fort, il vainc l’action d’un ressort calibré et place le moulinet parallèlement à la turbine. Les deux se mettent alors en drapeau. C’est très ingénieux.

 

La roue d'orientation  entraînée par le pignon du moulinet 

 

L'embrayage du dispositif directionnel mis en pression par un contrepoids.

 

Le diamètre d’un rotor modèle n° 3 est de 5 mètres. Le catalogue proposait aussi les numéros 1 (2,5 mètres), 2 (3,5 mètres)
et enfin 4 (7 mètres), donnant des surfaces croissant géométriquement selon la raison 2.

 

L'impressionnant stator comporte 44 pales. Il est précédé d’un entonnoir à vent formant venturi, ce qui accroît un peu la vitesse du vent avant d’en diriger les filets vers le rotor de 32 pales. La puissance disponible est assez faible, de l’ordre de 2 à 3 kilowatts par vent de 10 mètres par seconde, mais avec un couple très élevé.

 

 

 

Pour un exposé historique sur ces remarquables machines, il faut absolument se référer à http://www.archivingindustry.com/Eolienne/.

Une grande partie de cette notice a été rédigée grâce aux éléments apportés par la Société du patrimoine et de l’histoire de Pomponne.

A cause du passage de la ligne ferroviaire rapide, le bâtiment du puits a été détruit et l'éolienne démontée. Mais le nouvel acquéreur, qu'il faut féliciter pour son respect du patrimoine, non seulement l'a remontée quelques centaines de mètres plus loin, à l'entrée de son domaine, mais a poussé le scrupule jusqu'à faire rebâtir à l'identique le pavillon ! Une attitude que nous ne saurions noter que 20 sur 20 !!

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