Le caprice du comte Mattei


L'histoire n'est pas avare en personnages qui se sont un jour efforcés de concrétiser un rêve ou un idéal, par l'édification de constructions diversement jugées par la postérité. En France, c'est Ferdinand Cheval bâtissant de ses mains son Palais idéal à Hauterives, emblème d'une fusion architecturale de tous les styles qu'il connaissait, c'est Eugène Viollet-le-Duc restaurant Pierrefonds pour plaire à son empereur et en faire un manifeste de ses opinions en matière de restauration. En Bavière, le roi Louis II a conçu d'extraordinaires décors de pierre pour mettre en scène les légendes germaniques (Neuschwanstein) ou les fastes des Bourbons français à leur apogée (Herrenchiemsee, Linderhof). Le Palais idéal mis à part, toutes les autres constructions sont cependant intégrées historiquement dans leur région.

Ce n'est pourtant pas le cas du palais irréel construit en Italie par le comte Mattei, qui fit édifier entre Bologne et Florence, à partir du 5 novembre 1850, un étrange mariage de styles arabo-andalou, romain impérial, roman lombard, anglais, renaissant, baroque… Neuf ans plus tard il y habitait et y demeura jusqu'à sa disparition en 1896, continuant les travaux. La mort l'ayant surpris avant leur achèvement, c'est son fils adoptif qui les compléta. Mais la Seconde Guerre mondiale laissa l'édifice en mauvais état (occupation par un état-major allemand local, puis pillage, destructions…). Quinze ans après un commerçant de Vergato l'acheta et y construisit une extension à usage d'auberge, malheureusement sans se soucier outre mesure du palais lui-même dont il avait fini de disperser les derniers meubles. Après sa mort en 1989 une ruine définitive aurait guetté le bâtiment si, en 1997, une association ne s'était constituée pour sa sauvegarde et n'en avait encouragé l'achat par la fondation de la Caisse d'épargne de Bologne qui a décidé des travaux de conservation puis de restauration. Ce n'est que justice, car le comte fut un de ses fondateurs en 1837.

Il faut parler brièvement, avant de visiter sa demeure, du comte Mattei. Né en 1809 d'une riche famille de Bologne, il tâta quelque temps de la politique avant de se consacrer d'une part à la construction de son palais idéal, qui donna pendant un quart de siècle du travail à de nombreux ouvriers, artisans et artistes, d'autre part, depuis la fin des années 1850, donc à peu près au moment où la majeure partie du palais était déjà habitable, à la recherche médicale essentiellement centrée autour d'une nouvelle philosophie de traitements homéopathiques.

Il développa lui-même recherche et production, diffusa ses médicaments dans l'Europe entière, aussi bien chez les têtes couronnées que dans la petite bourgeoisie, et obtint, sinon des réussites éclatantes, du moins une réputation certaine.

Après sa mort, l'activité de fabrication pharmaceutique fut poursuivie par son fils adoptif, en dépit des dispositions testamentaires que la méfiance paranoïde du comte (peut-être justifiée, peut-être pas) avait prises pour le déshériter, dispositions qu'il parvint à faire annuler quelques années après.
Portrait du comte Mattei.
Même si aujourd'hui elle est généralement oubliée, l'électro-homéopathie était assez célèbre à la fin du XIXe siècle. Ainsi, en 1891, Huysmans faisait dire dans Là-bas à Des Hermies s'adressant à Durtal : " J'ajoute que les douleurs fulgurantes si rebelles même aux chloroformes et aux morphines cèdent souvent à une application d'électricité verte. Tu me demanderas peut-être avec quels ingrédients cette électricité liquide se fabrique ? Je te répondrai que je n'en sais absolument rien. Matteï prétend qu'il a pu fixer dans ses globules et ses eaux les propriétés électriques de certaines plantes. "

Les premiers textes sur la médecine électro-homéopathique, contemporains du lancement de la production industrielle, remontent au début des années 1880. Ci-contre, la page de garde d'une traduction française de 1883.



Comme tout château bâti sur une motte castrale, La Rocchetta est accessible en deux temps : après la poterne d'entrée signalée par la tour, on gravit un majestueux degré qui accède, une fois qu'on est passé devant un Jupiter sévère mais somme toute assez bienveillant, au premier corps de bâtiment, agrégé autour d'une grande cour sur laquelle donnent plusieurs pièces, dont l'atrium et la cuisine.
C'est seulement dans le deuxième corps de bâtiment qu'on rencontre le très joli patio imité en miniature de la cour des lions à l'Alhambra, où toutefois le nombre des félins a été limité à quatre.


L'atrium (ci-dessus) est une des salles agencées autour de la première cour. Mais si l'on choisit de monter vers la chapelle, on dépasse d'abord une terrasse (ci-dessous) à l'ornementation néo-rurale et aux éléments en ciment moulé, imitant par exemple les arbres.



Cour des lions.


Suite.