La carrière du village à Savonnières-en-Perthois (suite)
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Au fur et à mesure de l'avance des chantiers et de leur épuisement, les vides étaient loués par
les carriers aux champignonnistes.
Dès l'origine, les caves étaient isolées l'une de l'autre et des circulations par des murs dans lesquels des ouvertures
permettaient de régler l'aérage. Mais dès que les usines chimiques surent fabriquer industriellement des bâches plastiques,
c'est elles qu'on utilisa.
La culture des champignons a modelé d'une façon particulière les paysages souterrains : si les bâches ont souvent disparu,
les murs sont encore en place et laissent voir un curieux panorama de rues interminables, aux parois composées de piliers
tournés entre lesquels se dressent des hagues et où s'ouvrent de loin en loin les entrées des caves séparées par les orifices
occultables de ventilation, appelés ici cabourottes (en patois lorrain, lucarne, trou dans un mur).
Comme une période de latence était nécessaire à la fin d'exploitation d'une cave (nettoyage, stérilisation, repos), les
champignonnistes devaient en disposer de plusieurs de façon à effectuer un roulement assurant une production suffisante.
En 1939, à part quelques très petits exploitants, deux sociétés, Rieupeyroux (devenue en janvier 1944 les Champignonnières de
Saint-Dizier) et les Champignonnières modernes, se partageaient les 21,5 hectares consacrés aux agarics dans le souterrain
de Savonnières.
Le dernier champignonniste cessa son activité en 2003. Il travaillait à la Vallotte.
Ci-dessous, une cave cultivée en plates-bandes a perduré jusqu'après la dernière guerre. Ce type de culture se substitua
aux meules avant d'être remplacé par les sacs, puis par les caisses. |
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Avant d'être disposé en meules, en plates-bandes ou en sacs pour être inoculé de mycélium, le compost de fumier de cheval,
à base azotée, fermentait
naturellement sur une forme à l'extérieur de la carrière, où il était remué plusieurs fois, puis était disposé dans des chambres
chaudes pour y être pasteurisé. L'opération durait six jours, la température s'élevant
d'abord à 60 °C afin d'assassiner les germes puis redescendant à 50 °C.
L'élévation de température se faisait par circulation de vapeur produite par une chaudière. Celles qui subsistent aujourd'hui
dans les champignonnières désaffectées forment un vrai musée de marques anciennes, encore qu'éclaté en d'innombrables sites.
La chaudière du Paquis est une « Chaudière moderne » type RB2 des établissements Brosse, à Villetaneuse,
installée en 1935.
Ci-dessous une des quatre chambres chaudes du Paquis, de 50 tonnes chacune. Plancher et portes ont disparu.
C'est ensuite que le compost pasteurisé formant substrat était transporté dans les galeries, qu'il recevait le mycélium et
qu'on procédait au gobetage, en recouvrant le substrat, après l'avoir arrosé, d'une couche de cran calcaire pour lui faire
conserver son humidité. Dans les périodes les plus modernes, le fumier arrivait de Hollande tout prêt, fermenté, pasteurisé
et lardé : il n'y avait plus qu'à mettre le substrat ensemencé dans des sacs ou des caisses.
Il s'agit là d'un très bref résumé, les choses en réalité, comme dans toute production en général et agricole et particulier,
étaient plus complexes et nécessitaient de nombreux contrôles.
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Une petite brouette polka, utilisée par les champignonnistes pour
transporter la poussière destinée au gobetage, a été mise à l'abri dans un recoin de la carrière. Quant au lardage,
il s'agit de l'ensemencement du substrat avec du mycélium, mais le lardage en cave n'a pas dépassé la décennie 80.
Ces rappels de date, très fréquents, ponctuent la vie – et les parois – de la cave. |
Mes amis de la gens speleologica vont sans doute être déçus,
mais je ne parlerai pas ici de l'aspect spéléo de la carrière, les publications spécialisées, particulièrement lorraines,
ne manquant pas. Si plusieurs fois et un peu partout des diaclases ouvertes ont été rencontrées, souvent richement
concrétionnées, l'avancement des travaux dans la seconde moitié du siècle dernier a mis au jour d'impressionnants réseaux,
aujourd'hui très fréquemment visités par des groupes de l'Europe entière, au même titre que les autres cavités de Lorraine.
On peut citer parmi les plus connus les gouffres de l'Avenir, de la Besace, de Cornuant, du Pet qui chante, de la Sonnette,
mais les sites spécifiquement spéléos recensés par l'Union spéléologique de l'agglomération nancéienne et accessibles
uniquement depuis la carrière représentent une quinzaine d'items sur sa carte.
Néanmoins, figurent infra quelques exemples, facilement visibles, de spéléothèmes ou de karsts concrétionnés :
ci-après fistuleuses dans une voûte de béton construite par les Allemands, draperies dans l'ancien puits d'extraction
de l'Amérique, aujourd'hui recouvert par une construction domestique, karst cannelé par l'érosion dans une zone dont la fragilité
a nécessité la construction d'un tunnel de confortation, mais aussi petits spéléothèmes comme ces perles de caverne
vivantes, que l'on voit tourner et s'encalciter sous le choc des gouttes d'eau, ou ces jolis gours, toujours actifs.
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