La distillerie de Boubers-sur-Canche



Plus qu'un essai de vulgarisation générale sur les distilleries, ces pages se veulent être un hommage à un homme remarquable, Paul Bécourt, et que je regrette profondément de n'avoir connu que quelques jours avant son décès.

D'abord brasserie locale comme il en existait une multitude dans le nord de la France, le bâtiment, remontant à peu près à la fin du XIXe siècle, fut l'objet de quelques mutations avant de devenir à la fin des années 30 la propriété de M. Paul Bécourt père. Elle devient une cidrerie jointe à une distillerie, d'autant plus facilement que M. Bécourt, dirigeant une entreprise de chaudronnerie industrielle, est lui-même constructeur de matériel de distillation. Il y installe donc une presse hydraulique Tanvez, de Guingamp, un alambic et des colonnes de rectification portant sa propre marque.

Mais il laisse en place l'ensemble primitif de production d'énergie, composé d'une intéressante chaudière à tubes horizontaux alimentant une toute petite machine à vapeur monocylindre à tiroir cylindrique. Chose peu courante, la régulation se faisait non par un régulateur de Watt à boules ou un boîtier à masselottes (l'un ou l'autre entraîné par une pignonnerie), mais par un ensemble de masselottes directement portées par le volant et commandant l'avance par un dispositif que nous n'avons pas eu le temps d'étudier.

Or, cela ne sera plus jamais possible.

Harcelé pendant des années par les contributions indirectes obsédées par la destruction de ses alambics, résistant jusqu'au dernier moment à leurs assauts, miné sans doute par cette lutte incessante contre une administration à laquelle on reproche simplement de n'être précisément qu'une administration, M. Bécourt fils, qui avait choisi de travailler dans l'enseignement mais avait décidé de maintenir son patrimoine, décède début janvier. Sa veuve, prise à la gorge par les zélés fonctionnaires auxquels se joignent ceux du Trésor, décide de tout bazarder. Avec un peu de chance, le ferrailleur contacté aurait pu être de la race des grands ferrailleurs, bon mécanicien, curieux, cultivé, sachant reconnaître les pièces rares et les conservant volontiers. Hélas, cuirassé d'une totale inculture et d'une épaisse candeur satisfaite, il n'hésite pas, résolument inconscient de l'intérêt de la petite machine à vapeur et obnubilé par les quelques centaines d'euros qu'elle va lui rapporter, à la casser pour l'envoyer à la fonte.

Elle vous a plu, l'histoire de la distillerie Paul Bécourt ? Oui ? Alors tant mieux, car de pareilles monstruosités se préparent encore un peu partout en France, où l'intérêt officiel envers le patrimoine industriel est quasi inexistant par rapport à des pays comme la Grande-Bretagne, l'Allemagne, la Belgique flamande (flamande, parce que les Wallons suivent hélas trop souvent le mauvais exemple français). En Italie non plus on ne casse pas trop, en Espagne on conserve des chevalements avec leur recette ou une usine à gaz (à Oviedo). Serait-ce pensable dans notre "beau" pays ?

Allons, ne rêvez pas...

La plaque constructeur de l'entreprise Paul Bécourt père.
A gauche, la plaque figurant sur l'alambic. A droite, celle fixée sur la chaudière où l'APAVE (Association des propriétaires d'appareils à vapeur et électriques) a poinçonné ses dates de contrôle et attesté la vérification périodique du timbre. On remarque que la dernière épreuve a eu lieu en 1922, l'avant-dernière en 1911 et la première et antépénultième en 1907.
La plaque APAVE sur la chaudière.
Alambic et moteur à vapeur.

 

Colonnes de rectification.

 

 

La machine à vapeur.

 

 

Suite.