Les entrepôts frigorifiques de Vérone


Dans les années d'après-première-guerre d'importantes installations de conservation et d'entreposage de denrées alimentaires furent implantées partout en Europe. Si ce type de magasins existait depuis de longs siècles, les progrès dans l'industrie du froid industriel les rendaient plus performantes et aptes à une conservation sûre et de longue durée de denrées fragiles. En France, les Parisiens connaissent les frigos du XIIIe arrondissement (bâtis en 1921) ou ceux des abattoirs de Vaugirard, détruits.

Vérone, la cité de Romeo et Giulietta, se vit dotée à partir de 1924 de vastes magasins généraux dédiés aux céréales incluant des installations frigorifiques, puis les accrut en taille, en puissance et en diversité jusqu'au milieu des années 70, quand il parut raisonnable de transférer ces énormes magasins à distance de la ville, de même que les halles parisiennes se retrouvèrent à Rungis.

Commandés par une entrée monumentale aux deux tours symétriques flanquant une ferronnerie dont les flèches ressemblent étonnamment à celles enserrées par les faisceaux des licteurs chers à cette époque, la douane, les magasins affectés aux diverses marchandises périssables ou non, les ateliers d'entretien, etc., s'ordonnaient sur une très importante superficie sillonnée de nombreuses voies de communication, dont les voies ferrées.






Aujourd'hui subsistent seuls quelques bâtiments au milieu d'un vaste espace, régulièrement utilisé comme lieu culturel. La gloire passée s'est bien ratatinée. Mais surnage tout de même le remarquable entrepôt frigorifique érigé en 1930 et plus ou moins modifié après guerre. C'est lui que le présent sujet veut faire connaître.
Façade nord des entrepôts frigorifiques de Vérone
Tracée sous forme de camembert de 110 mètres de diamètre surmonté d'une coupole large de 30 mètres, la station frigorifique spécialisée n° 10 englobe au rez-de-chaussée, à sa périphérie, les chambres froides desservies par le réseau frigorigène issu d'une spectaculaire centrale. Ces vastes entrepôts obscurs sont surmontés d'un étage de magasins à la température ambiante, et tout le centre est affecté à un imposant espace de manutention traversé par une voie ferrée, branche du faisceau relié aux FS, les chemins de fer italiens. C'est la coupole et le lanternon qui la somme qui pourvoient à l'éclairage zénithal, que la disposition des fenêtres rend agréable et diffus.
La séduction de cette étrange station provient du curieux et habile mélange d'une architecture froidement (sic) industrielle (pas d'ornements, pas de bandeaux, pas de décorations) et d'une coupole particulièrement bien dessinée telle que seules dépassent ses dimensions (en dehors de celles du champion toutes catégories, la Jahrhunderthalle de Breslau, 65 mètres de diamètre en 1913 !) celles de quelques grandioses églises antiques ou récentes, dont en tout cas la destination est généralement de proclamer la toute-puissance de la divinité (ou de son clergé) plutôt que la gloire des magasins généraux.

Seule concession ornementale au classicisme italien, le portail d'entrée septentrional.

De l'intérieur, la coupole ne cache pas sa structure en nervures rayonnantes.



Encore aujourd'hui, ce bâtiment étonne : le diamètre de la seule coupole atteint presque le double de celle du Sacré-Cœur de Paris, il n'est dépassé à l'époque que par quelques églises mondialement connues, Sainte-Sophie, le Panthéon de Rome (le Panthéon de Paris pour sa part frisant les 28 m), Saint-Pierre de Rome...
L'étage laisse apparaître la très belle nervuration de béton armé couvrant les magasins non réfrigérés, d'ailleurs éclairés latéralement et communiquant avec l'extérieur. Des monte-charge permettaient la manutention des marchandises.
Le complexe réseau de canalisations parcourt l'inter-étage avant de plonger vers les chambres froides périphériques.