Saint-Héribert



Grand fort de la ceinture de Namur, il est enterré. Et pour être enterré, il est enterré, encore plus que ne l'avait rêvé son concepteur : il est aujourd'hui totalement invisible. Pas d'entrée, pas de fossés, pas de coupole, pas de puits. Tout a été comblé par des décharges dans les années 60. Seuls quelques mètres carrés de béton, quelque part dans un bois à Wépion, laissent penser au promeneur que quelque chose d'énorme se cache sous ses pas. A trente mètres de là, un trou au pied d'un arbre donne accès aux dessous de l'ouvrage. Les chanceux qui ne se sont pas vautrés dans un des puits profonds de sept mètres piégeant l'escalier de coupole, et totalement dénués de matelas pour les recevoir, débouchent dans le couloir de retraite puis vers la salle de rassemblement.

En 1914, les Allemands qui s'étaient déjà fait les dents sur la place de Liège depuis le 5 août, s'attaquèrent à celle de Namur le 24. Saint-Héribert n'eut pas le destin malheureux de Cognelée, par exemple, dont les galeries furent éventrées et ravagées   par   les   gros   calibres, ou de Loncin  qui  explosa

Ecusson souvenir de Saint-Héribert.
littéralement, mais le bombardement, qui remplit les galeries d'oxyde de carbone et de fumée, amena (comme dans pratiquement tous les autres forts) la garnison au bord de l'asphyxie : cinq heures et trente minutes après le premier tir ennemi, elle se rendait. En effet, il faut bien se souvenir que le calibre de 210 mm était le plus gros qu'avait envisagé Brialmont. Entre-temps, Krupp s'était fait un plaisir de fabriquer un amour de petit obusier de 420 mm, un vrai bijou répondant au surnom de Bertha et projetant un obus de 930 kilos chargé de 110 kilos d'explosif…

Aussi, en 1915, l'armée allemande le dota de divers aménagements et renforcements plus adaptés aux armements modernes. Après les études de 1928, Saint-Héribert fit partie des ouvrages remis à niveau au début des années trente et reçut une garnison. En 1940 les Allemands se retrouvèrent au même endroit qu'en 1914 et, les mêmes causes ayant les mêmes effets, le fort se rendit le 21 mai, après trois jours de bombardement mais une défense beaucoup plus efficace, ce qui valut au commandant, de la part de l'ennemi, un document qui pourrait s'apparenter à un brevet de courage !

Au grand désespoir des anciens soldats qui le défendirent en 1940, le ferraillage au cours des années 60 des cuirassements et aciers, jusqu'au moindre barreau d'échelle, suivi de la décharge qui en obstrua toutes les ouvertures sauf une, défigura l'ouvrage. Les parties intérieures, dont les peintures hélas se dégradent insensiblement, demeurent toutefois accessibles aux amateurs.

Longtemps le bel endormi attendit le baiser de la princesse charmante, la puissante pelleteuse qui, déblayant ses entrées aveuglées, lui ouvrira les yeux. J'ai le plaisir d'annoncer que c'est à présent chose faite et que, grâce à la diligence (et à l'outillage) du nouveau propriétaire, le fort est de nouveau accessible par la poterne. Il faut féliciter M. Legros et sa compagne pour leur persévérance et pour le résultat inespéré qui devrait servir d'exemple à une époque on l'on a plutôt tendance à murer à tour de bras. Voir ici le site de la fondation.

Descendons, en nous agrippant à une corde rassurante, désormais inutile, dans le puits de l'ex-coupole de 57 mm, transformée en coupole de 75 mm après 1928.
 

 

 

Couloir de retraite.

 

 

 

 

 

La salle de rassemblement, présentée ci-après, protégée dès l'origine par 4 mètres de béton, hélas non armé, non seulement rassemblait avant 1914 les hommes, comme son nom l'indique, mais aussi les distribuait vers l'essentiel de l'armement à longue portée du fort situé à proximité : obusiers de 210 mm, canons à tir tendu de 75 mm et de 57 mm pour la défense rapprochée des dessus, mais également le phare électrique, à arc, monté en coupole éclipsable. A Saint-Héribert, cette salle est restée à peu près intacte après les travaux de 1928 qui modifièrent réglementairement l'armement. En effet, dans plusieurs autres ouvrages elle a été partiellement comblée par les terres provenant du creusement des locaux inférieurs.

Sur la vue suivante on voit l'alignement des accès vers la gorge : de gauche à droite, l'escalier vers la sortie infanterie sur les dessus du fort, l'ancien escalier en capitale vers l'entrée, obturé par un mur pour limiter les accès entre les niveaux, enfin sur la droite le couloir vers l'ancien puits à eau.

La troisième photo montre les locaux dits de sortie de l'infanterie, accédant directement aux dessus du fort, et protégés pendant l'occupation allemande par une chicane conservée ensuite. Cette sortie communiquait directement avec le quadrilatère par un puits pour éviter aux hommes de passer par les anciens locaux désormais condamnés.

 

 

Sortie infanterie.

 

Suite.