Feste von der Goltz (groupe fortifié la Marne) |
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Dès qu'au nom de l'Allemagne la Prusse se fut emparée en 1871,
par le traité de Francfort, de l'Alsace-Moselle, elle se mit à fortifier les places principales du territoire annexé. A Metz
elle réutilisa les forts français en voie d'achèvement ou tout juste terminés, qui représentaient la première ceinture de la
ville. Mais les ingénieurs militaires allemands, tout aussi sensibles que les Français aux modifications imposées à la poliorcétique par les nouveaux projectiles allongés (augmentation de portée) et brisants (obsolescence des cuirassements précédents) se mirent à construire de nouvelles fortifications plus éloignées des places. En finissant une fois pour toutes avec les forts massifs qui régnaient depuis l'aube des temps, ils introduisirent le principe de " groupe fortifié " ou Festen, dont les divers éléments (batteries d'artillerie à longue portée, artillerie à tir courbe, casernements, défenses d'infanterie) étaient disséminés sur une emprise de plusieurs centaines d'hectares, dissimulés le plus possible aux vues ennemies et reliés souterrainement par de longues gaines à grande profondeur. | |
Ces principes, encore plus affinés, serviront à dessiner les forts du XXe siècle, tant la ligne Maginot que le Westwall ou
l'Ostwall ou les fortifications suisses, au moins avant que les obus de type Röchling ne vinssent bouleverser la donne.
Curieusement, les groupes fortifiés messins n'eurent pas leur heure de gloire pendant la guerre pour laquelle on les prévit.
Pendant la Grande Guerre Metz n'eut pas à connaître les furieux assauts qui rendirent Verdun célèbre. Ce fut en réalité fin
1944 début 1945 qu'en particulier une poignée de gamins retranchés dans la Feste Driant arriva à tenir la dragée haute à une
armée américaine. Les sites internet ne manquent pas sur la ceinture des Festen messines. Néanmoins il semble qu'elles ne sont pas particulièrement connues dans le milieu des amateurs de derelicta. Aussi l'une d'elles, remarquable par sa mythique usine électrique, va faire l'objet du présent reportage. |
La construction de la Feste General Feldmarschall Freiherr von der Goltz débuta en 1907 pour cesser en 1916
(l'année de la mort du militaire éponyme) sans toutefois être achevée, les priorités s'étant un peu déplacées entre-temps.
Composée de trois groupes occupés par 800 hommes et étendus sur plus de 200 hectares à proximité des villages de Jury,
Mercy et Ars-Laquenexy, elle défend les voies de communication de Metz à Strasbourg. Rebaptisée la Marne après la reprise de l'Alsace-Moselle, elle fait partie jusqu'à nos jours du domaine militaire, avec l'interruption de 1940-1945 où les Allemands retrouvèrent avec plaisir leurs marques, de façon d'ailleurs funeste puisqu'ils entreposèrent devant la caserne centrale du groupe, l'ouvrage d'infanterie de Mercy, des charges de torpilles qui, en explosant sous les tirs d'avions américains, la renversèrent littéralement. De ce fait, j'ignore si, comme dans les autres groupes fortifiés, elle comportait des attributs décoratifs tels que les armes du dédicataire comme à l'Yser, de construction contemporaine. Mais nul doute qu'un lecteur compatissant saura me transmettre une photo ancienne montrant la façade de la défunte caserne de Mercy. C'est d'ailleurs ce que je lui dirai. |
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Les défenses extérieures
actives, très classiques, consistent en parapets de tir (ci-contre) parsemés de postes de mitrailleuses (ci-dessus), en tranchées,
tandis que les défenses passives sont représentées par de larges fossés protégés par d'épais réseaux de fil de fer. |
Juste avant la Seconde Guerre, les Français installèrent des points de DCA, tel celui-ci dont subsistent des éléments de l'affût. | |
La défense des gorges des casernes et des fossés
se fait sans surprise par des coffres de contrescarpe ou, comme ici dans l'ouvrage d'infanterie de Jury, par des
caponnières. Dans celle-ci, explosée pendant les combats de 1944, il subsiste un affût de MG 08, sauvé des pillards
par la hauteur de son scellement. En contrebas du premier local, un second prend en enfilade la direction perpendiculaire (ci-dessous). |
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Ci-après, une défense souvent adoptée est le flanquement
d'un ouvrage par une casemate double de 77. Ici, affûts et tubes ont disparu.
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Depuis la caponnière,
le couloir principal dessert toutes les casemates du casernement. Comme habituellement, les murs de couleur claire
sont décorés de frises. Juste au centre de la photo, dans l'angle, une niche à lampe. |
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Dans la version initiale
du sujet, je m'interrogeais sur la raison de la présence de ces rails en écartement de 40 centimètres ainsi que des trucks et d'une
plaque tournante d'origine française (Popineau-Vizet Fils et Cie à La Plaine-Saint-Denis), hésitant entre la manutention de
matériaux, par exemple lors des travaux de renforcement des galeries, le transport de pièces par les Allemands pendant la Seconde
Guerre, ou quelque autre utilisation... et lançais un appel aux lecteurs. |
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Or cet appel a été entendu. La Feste a été
occupée à partir d'octobre 1939 par le 165e régiment d'artillerie de réserve générale où se trouvait, alors
sous-officier, le futur colonel Albert Brockers, qui fit parler de lui par la suite puisqu'il remonta du Maroc jusqu'au
Danube pendant les campagnes de 1944. Le reportage photo qu'il nous a transmis montre les manœuvres de transport et de mise en batterie d'un mortier Filloux de 370 mm. J'engage les lecteurs qui veulent en savoir un peu plus à aller consulter le blog d'origine ici, ce qui leur permettra de voir la totalité du précieux album photo du colonel Brockers, conservé et mis en ligne par M. Raout. Les trois photos ci-après, prises lors d'un exercice, montrent quelques phases de la mise en batterie de ce gros mortier de 30 tonnes (45 en déplacement), envoyant à 9 kilomètres un obus de 490 kilos. Ces mortiers, initialement destinés à l'artillerie de côte, avaient été hâtivement récupérés en 1915 pour disposer d'au moins quelques pièces puissantes susceptibles de tir plongeant. En 1939, quatre de ces engins étaient donc attribués au régiment d'artillerie cantonné à la Marne. Malheureusement, les rails du système Péchot utilisés pour la manœuvre des mortiers sont des voies de 60, alors que ceux qui sont entreposés aujourd'hui dans la Feste ont un écartement de 40. L'hypothèse la plus vraisemblable est qu'il s'agit de voie de manutention légère à fin de construction. | |