Le fort de Château-Lambert (suite)


Ci-dessous, une vue extérieure de la caponnière du saillant III. On remarque d'une part la présence d'un orillon au fruit très marqué, étrange vestige du tracé des bastions des siècles précédents, et donc assez rare dans le système de Raymond-Adolphe, et d'autre part la forme particulière de l'encadrement des créneaux de pied, en atticurge. Ces créneaux de pied, dont la fonction est de ne laisser aucune partie du fossé dans un angle mort, sont aussi dénommés mâchicoulis dans plusieurs traités de fortification. Dans leur appui sont scellés verticalement des pieux de fer soigneusement pointus, défense semble-t-il propre aux forts de rideau de Haute Moselle. C'est dans un de ces créneaux de pied qu'a été percée la sortie vers le fossé, qu'on voit à gauche de la photo. Au-dessus, assez peu visible, le créneau horizontal.
Tout près de cette caponnière, a été creusé et maçonné dans la courbe nord de la contrescarpe un magasin à munitions dont le couloir d'accès recèle une niche à artifices. Selon les recherches de Luc Malchair, il était prévu pour alimenter la batterie annexe du front III-IV sans doute au moyen d'une potence remontant les munitions.

Or, partant d'un angle de ce magasin, un binôme de galeries brutes de taille, probablement bien postérieures au local, s'étend sur quelques dizaines de mètres, auxquelles on peut attribuer un rôle de contre-mines.
En 1903, soit un quart de siècle après la construction du fort, une ligne d'intérêt local à voie unique d'écartement métrique relia Lure et le Haut du Them. En 1907, pour la prolonger jusqu'au Thillot, il fallut lui faire traverser le col des Croix par un tunnel long de 1087 mètres, qui par une curieuse coïncidence passe pratiquement au-dessous (à quelques mètres près en projection verticale) de la galerie de contre-mine visible ci-dessus. Il est excitant de penser à une liaison entre l'ouvrage militaire et l'ouvrage ferroviaire, comme à Tavannes (inachevée), à Montmédy ou à Givet ! Mais aucune communication n'a jamais été établie, le recouvrement étant d'au moins 160 mètres...
En 1890, une campagne de travaux a eu pour objet le creusement dans le rocher demeurant au milieu du fort d'un magasin sous roc. Ses accès se faisaient d'un côté par le prolongement d'une des branches de la galerie périphérique entourant le magasin à poudre, dont l'entrée est sous la grande arche, et de l'autre par une porte creusée sous le pas de souris de la cour d'entrée. Ces deux galeries, qui se rejoignent à angle droit, ne sont jamais que des couloirs où se greffent des magasins à projectiles, magasin à poudre, atelier de chargement et niches à artifices, avec leurs logements à lanterne. Quelques inscriptions et graffiti subsistent, souvent utilitaires (p. ex., ci-dessous, indiquant l'empla­cement réglementaire des lanternes-appliques).

On rencontre toutefois des appareillages assez intéressants, comme cette voûte en brique dont les rouleaux reposent sur des voûtains supportés par des consoles en poutrelles.
Le magasin à poudre initial (ci-dessus) est placé au début du couloir du magasin sous roc, côté rue. Il est particulier, de par la forme de sa voûte en chaînette, ensuite par la manière exceptionnelle de maintenir les panneaux de brique formant doublage, retenus par des barreaux de bronze coincés verticalement dans des tirants de même métal scellés dans le roc, enfin par la forme des niches à lampe latérales, où le logement de l'appareil est décentré par rapport à l'ébrasement, ce qui donne une esthétique particulière mais indéniable. Une fois n'est pas coutume, le parquet en pose dite à bâtons rompus est resté en place.

On y accède par un sas, de façon très habituelle (ci-dessous). Mais une aération est prévue par les trois meurtrières dont on distingue les ébrasements sur la droite, et qui donnent directement à l'extérieur.
Ci-après, deux fonctions importantes : communiquer et surveiller. A gauche, un poste optique aménagé dans la traverse XII est chargé de transmettre et recevoir dans la seule direction du fort du ballon de Servance, à 4,6 kilomètres au sud-est.

Plus tard, pendant la Première Guerre mondiale, des observatoires quasi artisanaux ont été édifiés sur le cavalier. A droite, celui qui est proche de la casemate en fer laminé. Pas très sophistiqué, il se contente de deux IPN et d'une dalle de toit en béton armé, la largeur du champ d'observation dépendant de la longueur des IPN.
Ci-dessous, la traverse enracinée I du saillant V, tout au sud du fort, abrite d'un côté le local de la traverse et, juste à côté, le couloir descendant vers la troisième et dernière caponnière (qui n'a pas non plus de particularité exceptionnelle), et de l'autre un magasin à munitions alimentant les pièces voisines.




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