La carrière du village à Savonnières-en-Perthois (suite)




Les photos ci-après d'un endroit rarement fréquenté des carrières rappellent les événements dramatiques, heureusement sans pertes humaines, survenus en 1874 dans les vides de la Belgique. Il s'agissait d'une carrière ouverte officiellement par le Belge Antoine Bernaert en 1872 et accessible par un puits de 27 mètres, malencontreusement incomplètement maçonné, qui servait aussi bien à l'extraction au moyen d'un baritel qu'à la circulation des ouvriers par un escalier rectiligne montant de fond, d'abord prolongé par une échelle puis par un escalier circulaire périphérique au puits.

Pendant deux ans il n'y eut pas trop de soucis, mais le 27 août 1874 se produit à proximité immédiate un effondrement de près de 300 mètres carrés (le double à la surface) obstruant l'escalier et deux des trois galeries partant du puits, crevassant en outre ce dernier. Heureusement les ouvriers, alertés à temps par des craquements précurseurs, ont le temps de s'esquiver.

Or, en plein milieu des travaux de confortation immédiatement prescrits par le service des mines, le 16 septembre suivant c'est le puits tout entier qui s'affaisse de façon irréparable. L'autorisation de rouvrir la carrière, accordée sept mois après, impose un nouvel accès, la descenderie actuelle qui réunit sous la même voûte un escalier interminable et le plan incliné des chariots autrefois tirés par un treuil.
Ci-dessus, la galerie nord-sud, seule survivante des trois qui rejoignaient l'ancien puits d'extraction. Les boisages sont ce qui reste des étais provisoires montés pendant les travaux. Ci-dessous, un peu plus loin dans la même galerie, les parois fracturées sous la contrainte du recouvrement. Pendant les années suivantes, une surveillance attentive de la carrière de la Belgique continua d'y mettre en évidence une certaine fragilité attribuée à une extraction trop gourmande jusqu'à la reprise par un nouveau carrier plus soucieux des règles d'exploitation.
A gauche, l'escalier original de 8 mètres qui débouchait dans le puits, à présent figé de façon surréaliste dans les renforts maçonnés de 1874 isolant la zone ruinée. Le puits d'extraction se trouvait donc juste derrière, à quelques mètres. A droite, la nouvelle descenderie voûtée imposée par les mines, légèrement à l'ouest de l'effondrement, est restée longtemps en service.
Les graffitis sur la vie quotidienne et le métier sont nombreux. A l'Avenir, un vieux de la vieille, tout de même accompagné de son Dédé, prétend en faire autant que les « jeunes soulots (sic) », l'autre retrace un sombre drame, l'ouvrier blessé ramené en brouette par un collègue. Il ne semble pas très optimiste. Le trait est particulièrement fin : casquette à carreaux, visage, cheveux du sauveteur.

Dans un vide des Hauvions, le graffiti ci-dessous cite plusieurs membres de la famille Gaillet, carriers et ancêtres de l'auteur du livre de référence sur la pierre de Savonnières cité en fin d'article.
Dans ce milieu de travail exclusivement masculin, la fixation fantasmatique sur la femme revêt une aussi grande place que dans les graffitis des tranchées où la frustration des soldats était sans doute plus intense mais l'acceptation plus résignée aussi. Quelques dessins sont tout à fait anodins, comme ce buste de femme en chignon rappelant les premières années du vingtième siècle, d'autres, assez nombreux, exposent en pleine action des attributs virils roccosiffredesques. Le dessin de la dame frisottée ci-après laisse imaginer une pensionnaire de maison close de l'entre-deux-guerres, à la poitrine un peu fatiguée, en culotte (en culotte et en corset, dirait la Comtesse) et la pipe à la bouche, d'autant que la légende, écrite au crayon très fin et difficilement lisible sur la photo, est plutôt explicite : « 30 F pour un cou (sic). » Je laisse les esprits curieux convertir au cours actuel.
Un joli graffiti laissé par un carrier désabusé. On ne peut s'empêcher de penser au déni de justice que fut la légère peine infligée au meurtrier du trésorier du syndicat ouvrier, en 1905 : 25 francs d'amende, avec sursis ! On remarque que le tracé original, Palais de Justice, a été changé par surcharge et ajout, mais dans le même graphisme, en Palais d'inJustice.
A côté, la croix vaguement latine est un repère de l'armée française (voir ci-après) balisant le chemin entre l'Espérance et la descente de l'Avenir.


Suite.