Le fort de Tavannes (suite)


Les travaux de renforcement n'eurent pas pour objet de blinder la totalité des locaux du fort, mais de constituer une sorte de réduit de temps de guerre. Le reste du temps la garnison vivait dans les casemates originelles où se trouvaient d'ailleurs les cuisines, la boulangerie, les magasins, bref tous les locaux dont se compose l'intendance militaire. Les traverses abris non plus n'étaient pas spécialement protégées. Ci-après, une des casemates de la caserne non renforcée. Celle-ci, proche de la capitale, était destinée au logement de sous-officiers. A moitié enfouie sous les gravats, la carcasse d'un lit modèle 1876.
Sur le flanc nord (entre les saillants I et II) restent, tels quels, les plus anciens locaux. En haut, un atelier de chargement avec son guichet. En bas, un deuxième atelier ayant pris place, probablement au cours de la construction, dans ce qui aurait dû être initialement une casemate à tir indirect (voir plus bas). Le couloir obstrué par l'éboulis communiquait avec la gaine du magasin à poudre converti pendant la guerre en stockage de grenades et volatilisé par leur explosion en mai 1916 suite à un coup au but. On remarque le fruit du mur de droite, soufflé par la pression des gaz.

Ci-contre, un certain Mainge, de la classe 1891, a laissé dans cette région du fort un des rares graffitis qu'on peut y trouver.
Sur le côté droit (ou sud) de l'ouvrage, entre les saillants IV et V, les symétriques de ce que nous venons de voir, qui apparaissent en principe dans leur état original. A gauche, c'est le sas d'un atelier de chargement avec ses deux niches à lampes. Mais (ci-dessous) voici une pièce rarement visible dans les forts modernisés, et qu'on ne rencontre guère que dans les tracés primitifs des forts parisiens dont seuls quelques-uns ont été renforcés. Il s'agit d'une casemate à tir indirect, telle qu'elle aurait dû être installée dans les locaux homologues de gauche décrits ci-dessus. Dans le mur du fond se trouvait l'embrasure de la pièce, en l'occurrence un mortier de 22 cm à tube lisse. La trajectoire du projectile, très courbe, passait au-dessus des traverses bordant la rue du rempart. Cette embrasure a été bouchée ultérieurement, ne laissant que la lucarne visible sur la photo. Comme partout, les piédroits sont montés en opus incertum, sauf précisément sur cette obturation.
Un des points les plus curieux du fort : les plans les plus anciens montrent la mise en place de deux fois deux casemates à tir indirect, armées de mortiers lisses de 22 centimètres à tir courbe. De toute évidence, cette utilisation a été abandonnée en cours de construction en ce qui concerne le flanc nord, comme précisé ci-dessus, tout en étant conservée sur le flanc sud. (Ces mortiers, s'ils figurent sur divers plans de feux, ne sont d'ailleurs pas demeurés dans la casemate et auraient été déplacés momentanément, vers 1915, sur le cavalier de la caserne sud en lieu et place de deux canons de 90.)

Quoi qu'il en soit, peu après la construction du fort se dresse derrière chaque casemate subsistante une énorme cheminée barlongue d'évacuation des fumées. Un obus ayant pulvérisé la casemate sud, seule demeure, accompagnant la casemate voisine, la dernière cheminée. Renforcée de deux rangées d'arcs-boutants, elle s'ouvre tout en haut de la crête, à un des points les plus élevés de l'ouvrage. C'est cette position unique qui l'a fait convertir en poste optique : dès le 19 décembre 1916, elle a été coiffée d'un petit blockhaus de béton (la dalle de toit est visible tout en haut de l'image) au travers des murs duquel rayonnaient six conduits de largeur inégale, dont deux dirigés vers l'ouvrage de la Laufée et vers celui de Belrupt. Il existait aussi une liaison assez mystérieuse vers le PC Maroc (à l'est du fort, sensiblement à quelques degrés au sud de sa capitale). L'accès au plancher et aux appareils se faisait par échelles. Des pièces d'archive nous apprennent que quatre projecteurs électriques étaient prévus.

Infra, pris dans la végétation, le blockhaus du poste optique. Le petit côté sud-ouest est percé d'un créneau d'observation, mais les conduits le lumière sont sur les côtés, en l'occurrence celui qui communique avec le fort de Belrupt. Des tranchées prolongent ces conduits jusqu'à l'arête du plateau, mais le temps et les feuilles les comblent, si bien que la photo ne les met pas en évidence.
Ci-dessous : au moment du bétonnage de la caserne nord, et donc de la division prévisible de la garnison entre troupes sédentaires et troupes de passage (même si ce n'avait pas été décidé ainsi avant la guerre, c'est en tout cas ce qui s'est passé dans les faits), les locaux comme magasins ou cuisines ont été multipliés. C'est ainsi que dans les pièces coincées entre la capitale et le casernement à l'épreuve on installa une petite cuisine et une soute à charbon. A droite, le mur de béton isolant et renforçant la caserne et supportant la dalle de toit.




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