Le fort de Tavannes (suite)


Ces galeries communiquaient aussi évidemment avec la caserne renforcée qui, elle, n'était pas remplie des déblais d'extraction. La vue ci-dessous du local 21 de cette caserne dit « chambre obscure », dont les murs laissent toujours voir l'appareil de construction originel, montre deux particularités. D'abord, l'ouverture au premier plan est celle d'un escalier passablement défoncé menant aux galeries inférieures. Ensuite, on voit que le passage voûté à l'arrière-plan est recoupé par une cloison perforée. Là était installé un ventilateur hélicoïde extracteur. L'air frais arrivait, selon le régime (gazé ou non gazé), soit des souterrains après filtration soit de l'extérieur immédiat.
Ci-dessus, divers aspects des galeries profondes. Le dénominateur commun est l'état inquiétant de la roche encaissante, qui nécessita très vite de sérieux boisages. Sans être aussi complexes que les boisages de mine, ils en suivent cependant les règles. On remarque que les étais bien équarris sont normalisés, de même que les dimensions des galeries. Cela permettait de les tailler dans de grandes scieries et de les expédier déjà prêts au front. En quelques points on remarque leur bonne tenue, en d'autres un certain laisser-aller, non des boiseurs mais des boisages. (Les vieux boiseurs faisaient d'excellents veilleurs.)

Ci-dessous, deux vues intéressantes : à gauche il s'agit d'un puits d'accès au blockhaus Pamart du sud-ouest visible en page précédente. Tout en haut (donc au centre de la photo...), on distingue ce qui reste de l'escalier à vis le desservant autrefois. Avec un mépris du danger digne des plus valeureux héros, de hardis explorateurs l'ont remplacé par un mât d'antenne qui se dresse dans un coin. Photo de droite : sous les éboulis d'une intersection gît une partie de plaque directionnelle équipant la voie ferrée de 40 qui ramenait la terre jusqu'au(x) treuil(s).
Infra, une descente vers les locaux antigaz sous-minant la casemate numéro 17 a recoupé un égout remontant à la construction du fort. L'égout est intact et vide, la descente un peu éboulée et un peu comblée, et leurs dimensions semblent identiques. Mais ce n'est qu'illusion.
Voilà où aboutit cette descente : les locaux des filtres de la casemate 17. Les filtres étaient les caisses Leclercq dont les photos ci-dessus et ci-dessous montrent quelques vestiges très abîmés. Une unité, longue de 2 mètres, était constituée de deux caisses en bois assujetties ensemble. L'air gazé y traversait d'abord des compartiments remplis de fibre de bois imprégnée d'huile anthracénique (sous-produit des cokeries) puis de fibre imprégnée de carbonate de soude. Le dernier compartiment était un sandwich de terre végétale, de charbon de bois imprégné de sulfate de cuivre et de plaques de coton. Le débit unitaire maximum étant pratiquement fixe (environ 1 500 litres par minute), on pouvait selon l'importance du volume d'air à filtrer réunir les caisses en batteries parallèles. L'air était prélevé dans les casemates Pamart, conduit par des canalisations aux caisses Leclercq installées dans un local étanche à l'atmosphère extérieure puis aspiré par des ventilateurs électriques (avec une manivelle de secours) et distribué dans les locaux. D'autres ventilateurs, au débit légèrement inférieur pour assurer la surpression, extrayaient vers l'extérieur l'air vicié. Les gaz retenus par ces filtres étaient le chlore, le phosgène, la palite et la surpalite, l'ypérite, la cyclite, les arsines... Il fallait une trentaine d'heures pour saturer les éléments filtrants et nécessiter leur remplacement.

Le fort de Tavannes ne comportait pas moins de neuf batteries de filtres, implantées tant dans la superstructure que dans les galeries 17, totalisant 32 caisses. La grande majorité a disparu corps et biens, mais dans les deux locaux photographiés ci-dessus et ci-dessous il en reste tout de même suffisamment pour qu'on ait une idée de leur importance.



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