Les carrières de Vassens Les exploitations anciennes 3 |
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Les événements de 1870 ont toujours inspiré
des graffitis militaires représentant des soldats allemands, avant même que les troupes du Kaiser occupassent le
souterrain lors de la Première Guerre mondiale. A gauche, une sihouette typique de la guerre franco-allemande aux moustaches très bismarckoïdes. Non loin, un texte très buriné et pour cette raison non reproduit ici, curieusement écrit dans un allemand de cuisine, cite le comte Zeppelin trente ans avant qu'il fût célèbre pour ses dirigeables. Le dessinateur connaissait son rôle en 1870 : en particulier il commanda la première patrouille à faire irruption sur le territoire français. A droite, sur un graffiti semblant civil, l'emblème incontournable du soldat allemand, le casque à pointe, dont le couvre-nuque pourrait faire penser à une coiffure de dragons. Si en 1903 la guerre de 1870 est bien ancienne, la menace est toujours actuelle, et ce ne sont pas les tensions internationales qui la font oublier. |
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Les graffitis français sur le thème militaire sont très fréquents. Datant du Second
Empire, ce petit soldat d'infanterie dont il existe une véritable armée à Vassens, sans être pour autant comparable aux soldats chinois de
terre cuite gardant la tombe du Premier Empereur, est selon sa coiffure, le mirliton, peut-être un
chasseur. Qu'il soit dessiné ou gravé, qu'il se dirige à gauche ou à droite, il est toujours accompagné d'un arbuste.
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Ci-après, deux curieux graffitis. Le premier se trouve
dans l'entrée de la Carrière neuve et énonce : « Heurtaut de Lamerville commandant la 17e brigade de cavalerie à Carcassonne (Aude)
Fait par Henriot Louis brigadier au 11e dragons à Tarascon (Bouches du Rhône) ». |
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Pourquoi Louis Henriot (peut-être un enfant du pays) a-t-il cru bon de perpétuer ainsi (en l'écrivant fautivement, oubliant un L et un M) le nom de
Joseph, Louis, Marie Heurtault de Lammerville (1847-1910) qui ignorait sans doute jusqu'à l'existence de cette carrière ? Peut-être la raison est-elle
dans l'identité des initiales et des surnoms des grades (le brigadier désignant aussi bien l'équivalent du caporal que le général de brigade...). Quoi qu'il en soit, Heurtault de Lammerville ayant été nommé au commandement de la brigade de cavalerie du 16e corps d'armée à Carcassonne le 28 octobre 1899, cela permet de dater le graffiti. Plus tard, il commandera la brigade de dragons de Sedan, faisant partie des troupes qui ont affronté les ouvriers pendant les grandes grèves dans le Pas-de-Calais entraînées par le coup de poussière de Courrières en 1906. |
Le second, bien que daté de 1910, nous rappelle des événements de 1898, au moment où le commandant Marchand entreprend une exploration
militaro-scientifique dont le but est de compléter les possessions africaines de la France en occupant les premiers un territoire
convoité par la perfide Albion. A Fachoda il se heurte à Kitchener et, malgré son antériorité sur le terrain, il doit abandonner la partie,
continuant néanmoins l'expédition jusqu'à Djibouti et aux territoires français orientaux. Le Sobat, le M'Bomou et le Bar el Ghazal sont des fleuves rencontrés par l'expédition et d'ailleurs objets de relèvements hydrographiques par l'enseigne de vaisseau Alfred Dyé. Jules Vignon était-il un ancien de la mission Marchand ou plus simplement éprouvait-il une vénération pour son commandant ? Peu importe, en tout cas ce graffiti, situé en toute rigueur dans la Grande Carrière, nous démontre que dès cette époque on la confondait facilement avec le Four à chaux. |
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Proportionnellement plus rares à Vassens que dans beaucoup de carrières souterraines utilisées et décorées pendant
la Première Guerre mondiale, des sculptures en bas- ou en haut-relief apparaissent tout de même sporadiquement. Deux exemples de travail
dans un nez de pilier : ce demi-visage (l'autre profil n'est qu'ébauché) particulièrement bien refouillé, dans un recoin de la Carrière
neuve, ou bien, plus au nord, cette petite ébauche féminine, stylisée comme une statuette antique. La tendreté de la pierre a d'ailleurs
permis la continuation de cet art, jusqu'à très récemment par des cataphiles non dépourvus de talent.
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Inspirent toujours un intense moment d'émotion, dans leur sobriété, les
inscriptions nécrologiques pérennisant le souvenir d'accidents mortels, très souvent des chutes de blocs. Ci-dessous, en
mémoire d'Eugène Bonard, mort le 7 mai 1901 dans les vides supérieurs du Four à chaux, et de Roger Lefort, victime d'un accident mortel
le 31 mars 1909 à la limite de la Vieille Carrière et du Four à chaux. Plus récemment, la commémoration du décès de Prince, survenu dans la Carrière neuve le 29 juin 1929. |
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Ecrit en ciel, donc au moment où la galerie n'était pas encore attaquée en
sous-pied (ce qui permet de reconstituer un peu l'histoire du creusement), une autre inscription obituaire, cette fois relative à un bébé,
probablement celui d'un carrier ou de sa famille proche. Ce pauvre petit qui ne vécut que quatre semaines a ici, comme les carriers morts
au travail, un in-memoriam qui est sans doute plus durable que l'épitaphe qu'on grava il y a plus d'un siècle sur sa tombe.
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