Les forts Brialmont d'Anvers (suite)



L'artillerie d'origine comprenait environ 70 canons lisses de 12 et 24 livres, sous casemates de type Haxo et sur plates-formes extérieures. Les caponnières étaient équipées de canons rayés à chargement par la culasse, de type Wahrendorff. Il s'agissait là des premiers canons rayés et à chargement arrière jamais adoptés par une armée, dont les essais initiaux, à base du système italien Cavalli légèrement modifié par le fondeur suédois Wahrendorff, avaient été effectués par les Italiens, les Allemands et les Belges. Plus tard dans le siècle, on ajouta des tubes à tir rapide de 57 mm sous casemates et au début du siècle suivant des canons de 75 mm sous tourelles béton. Des précisions seront données en dernière page.

Mais, cerise sur le baba, le point le plus haut des forts aurait dû être couronné en 1863 par une coupole Coles armée d'un double canon en fonte de 24 livres en calibre 15 cm, rayés, à culasse Wahrendorff. Même si tous les ouvrages étaient concernés, en tout cas la seule installée le fut sur le fort III, qui en 1935 a même eu les honneurs d'un article signé par le Lt-Cl Beaupain dans le Bulletin belge des sciences militaires. Hélas, quelques années après les Allemands la récupérèrent pour la riblonner, comme de juste...

L'artillerie sous tourelle, née dans la cervelle du marin anglais Coles, fut installée pour la première fois sur le navire Lady Nancy en 1855. Sept ans après les Belges pensaient à en équiper les forts anversois et en confièrent le dessin au même Coles. Avec ses flancs obliques montés en poutres de teck renforcées intérieurement et extérieurement par des feuilles de tôle, elle était pratiquement une copie du modèle de 1855. Les tirs plongeants n'étant encore pas spécialement à craindre, le toit n'était constitué que d'une tôle étonnamment mince. Il faut noter incidemment que le deuxième modèle de tourelle opérationnel de l'histoire militaire, dû à Ericson, fut également implanté sur un navire : il s'agissait du bâtiment nordiste Monitor, qui grâce à son artillerie sous cuirassement tournant l'emporta sur son adversaire le Merrimac en 1862. Mais le dessin de cette tourelle cylindrique était notablement différent de celui des Coles.


Les chicanes symétriques du réduit battaient le fossé du côté de la gorge. L'ennemi s'y glissant sournoisement aurait été impitoyablement massacré. Ici, il s'agit du fort VII, assez modifié par les Allemands pour en faire un dépôt. C'est l'explication de l'échelle métallique et de l'espèce de monte-charge dans l'encoignure. Les deux photos qui suivent montrent aussi des portes qui ne sont pas antérieures à la Seconde Guerre mondiale. En revanche l'appareil de brique avec un arc de décharge à quintuple voussure est évidemment d'origine.
Le plan du réduit est semblable d'un étage à l'autre : large couloir de desserte côté cour sur lequel s'ouvrent les portes des magasins au rez-de-chaussée ou des casemates au premier étage.
Les circulations verticales sont des escaliers, souvent en courbe. Pour monter les canons sur la plate-forme sommitale du réduit, un puits traversant part de la capitale, peu après son entrée dans le réduit, et aboutit dans la casemate à canons du second étage.
Après le carrefour de la capitale et de la galerie de circulation du rez-de-chaussée vient celui accédant aux deux escaliers en courbe vers l'étage, à droite et à gauche mais hors champ de la vue ci-dessous. Une porte simple flanquée de deux meurtrières à la forme peu compréhensible s'ouvre vers la cour intérieure du réduit. En effet, en tout état de cause leur ébrasement suggère qu'elles tirent vers la cour, en principe inaccessible par une attaque initiale, sauf venue du ciel.

Le tampon en fonte dans l'axe de la porte donne sur une vaste citerne, peut-être de recueil des eaux de pluie.
Sur la cour intérieure s'ouvrent les baies des casemates de l'étage. Au-dessus, des œils-de-bœuf éclairent le chemin de ronde menant sur les dessus (voir en p. 5). La porte centrale donnant sur le vide permettait éventuellement la manutention directe des pièces de 150 millimètres de la coupole Coles.
Ci-dessus : dans le couloir du rez-de-chaussée des portes d'origine à claire-voie sont encore en place.
Vue ci-contre : en plusieurs endroits de la cour et du fossé entre le réduit et l'enveloppe ont été installés ces superbes urinoirs en fonte. Malgré les plans et documents dont on dispose encore sur ces forts, le trajet et la destination des eaux usées d'où qu'elles viennent restent tout de même assez mystérieux : fossés, puits perdu, fosse plus ou moins étanche ? L'origine de l'eau potable n'est pas plus claire et de toute façon le circuit hydraulique tout entier mériterait une étude approfondie.




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