La carrière Renault à Meudon




Au proche sud-ouest de Paris, Meudon ainsi qu'Issy-les-Moulineaux sont deux communes des Hauts-de-Seine particulièrement perforées par toutes sortes de carrières souterraines. Entre autres, les crayères y fleurissent, car la surrection de l'anticlinal de Meudon, en surélevant l'énorme couche de craie, fait affleurer les étages campaniens et facilite l'exploitation de ce matériau, accessible tout simplement par cavages.

A deux pas de la route de Vaugirard, le long de la Seine, juste en face de l'île Séguin et voisine de la défunte usine Gaupillat, une petite crayère, actuellement sérieusement bouclée, est pendant des décennies restée grande ouverte pour le plus grand bonheur des touristes et des curieux. Elle n'aurait pas eu un très grand intérêt si, outre le fait qu'elle a appartenu à la fin du XIXe siècle à Emile de Girardin, elle n'avait pas été aménagée vers 1939 par les usines Renault pour y établir un très gros abri antiaérien dont quelques vestiges demeurent en place.

Les visites que j'y ai faites remontent déjà à un certain temps, ce qui explique que le matériel et les techniques photo ne donnent pas de très bons résultats, en terme de netteté par exemple, les autofocus faisant un peu ce qu'ils voulaient. Disons que ce sont des vues documentaires.
Quasiment sans clients depuis la fermeture des usines en 1992, le Coin d'Auvergne, baptisé autrefois Taverne du Funiculaire, subsista encore quelques années. A la charnière entre une usine abandonnée, un cavage béant et une voie ferrée désaffectée, les soirs d'hiver moroses donnaient à ce quartier une frissonnante ambiance de film noir. La ligne est aujourd'hui remise en service, et la station, anciennement Bellevue Funiculaire, s'appelle à présent Brimborion.
Avant d'entrer dans la carrière, arrêtons-nous devant cet adorable véhicule, Speedy Banana, qui il y a une petite vingtaine d'années stationnait occasionnellement sur les berges. Si ces lignes tombent sous les yeux de l'habile mécanicien, qu'il sache que je serais très heureux qu'il prenne contact avec moi pour papoter un peu.
Le tracé de la voie ferrée en 1886 la fit passer juste devant le cavage. Après le passage voûté sous les voies, on avait le choix entre l'escalier vers le quai direction Puteaux, sur la droite, ou, tout droit, la galerie se perdant dans les obscures cavités. Tant que Renault les occupait, la porte était fermée, encore que je me souviens l'avoir occasionnellement vue ouverte sur la galerie éclairée, dans les années 60. J'aimerais là aussi que des ouvriers ayant fréquenté ce site sous la domination de Renault se fassent connaître.

La coexistence de la carrière et de l'usine, leur mise en relation par l'intermédiaire d'une double chatière percée dans l'obturation du cavage de la cartonnerie, offrait un extraordinaire terreau aux vocations d'explorateur urbain dans les années 90... C'était impressionnant d'entrer dans le souterrain, de parcourir des galeries sans cheminement visible, de passer les chatières et de se retrouver dans l'immense usine abandonnée... Mais bon, on ne refait pas le passé, on ne peut que le regretter. Ou pas.
Bon, allez, on y va. Entrons.
L'histoire de ces crayères commença en 1826, quand Jean-Baptiste Casadavant, chimiste et directeur de la verrerie de Meudon, demanda l'autorisation de construire quatre fours à chaux au Bas Meudon, ainsi que d'ouvrir la carrière de craie pour les alimenter, afin de fournir de la chaux à son usine de verre. L'usine se trouvait au n° 45 de la route de Vaugirard, c'est-à-dire sur environ 140 mètres juste à l'ouest de la ruelle aux Bœufs. Les fours ne furent pas construits, mais la carrière fut bien ouverte sous le numéro 29 de la série communale. Dès 1841 elle se composait de deux vides sans intercommunication accessibles chacun par son cavage, qu'une galerie de quelques mètres, dont la fonction est encore un peu discernable aujourd'hui, finit par réunir ultérieurement. Pendant un demi-siècle elle suivit les divers directeurs de la verrerie, Meldon de Sussex et Moranville, bien qu'épuisée et interdite d'exploitation assez rapidement. En 1877 elle était déjà louée à des champignonnistes et plus tard changea de mains à plusieurs reprises.
Ci-dessus deux vues des galeries de la carrière de l'ouest, caractérisées ici par leur faible hauteur. Ci-après, une attaque non terminée et, à droite, un des rares étages de cette exploitation. Les ingénieurs des mines n'étant pas très favorables à leur continuation, ils sont encore de nos jours dans l'état d'il y a cent cinquante ans.

Un peu partout figurent encore les signalisations directionnelles mises en place par Renault pour diriger les flux de réfugiés s'engouffrant lors des alertes, prolongeant d'ailleurs les jalons mis en place dans l'usine même. On distinguait encore vaguement, il y a quelques années, le mot « Artillerie » sur l'une d'elles. Chaque atelier avait son secteur attitré dans l'abri. Il y avait les galeries de stationnement (flèches blanches), où l'on pouvait s'arrêter et qui hébergeaient les réfugiés pendant l'alerte, et les galeries de circulation qui devaient rester libres (flèches rouges). La circulation ci-dessus doit rester dégagée, ainsi que l'impose la couleur de la flèche.


Suite.