La carrière Renault à Meudon (suite)
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C'est dans le courant des années 20 que Renault, par achat ou par location, occupa la carrière du ponant,
comme cela apparaît sur un plan de 1926. Ce fut l'époque de l'extension irrésistible de l'usine d'automobiles, puisque elle s'étendit sur
les terrains de l'ancienne verrerie et de l'ex-fabrique de blanc, installa des raccordements ferrés, transforma la route de Vaugirard sur
300 mètres quasiment en rue-usine, construisit le pont Seibert, mais surtout rehaussa le sol naturel, pour établir la plate-forme du
raccordement ferré, à tel point que le remblayage fit disparaître les entrées jusque là au niveau de la route. L'entrée du funiculaire
restant inchangée, le tunnel de la carrière Casadavant sortit dans l'usine, au niveau de la machine à papier de la cartonnerie, mais
celle de la carrière Girardin, se prolongeant dans un puits de lumière sous la voie ferrée, se termina sur un escalier au niveau du
raccordement ferroviaire dans la cour de l'usine comme on l'a vu page précédente.
Vinrent les menaces de guerre. Comme de nombreux autres industriels privés ou établissements publics, Renault voulut protéger ses ouvriers
des dégâts des bombardements autant traditionnels que chimiques. Il s'appropria donc l'ancienne carrière Girardin et relia les deux au moyen
d'un long couloir sensiblement en S, attaqué par chaque extrémité.
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Juste au débouché immédiat dans la carrière du tunnel de la cartonnerie, Renault installa un vrai petit hôpital souterrain, qui comportait
infirmerie, salle d'opérations, douches pour les vésiqués, arrivée d'eau chaude et de
vapeur pour la stérilisation, traitement d'oxygénothérapie avec les bouteilles, vêtements de rechange, vêtements pour le personnel
médical, WC, puits à eau... Enfin, si les alimentations en eau, en vapeur et en électricité (45 kVA) venaient de l'usine, deux groupes
Diesel de 50 chevaux (un seul étant normalement en service) disposés non loin de l'entrée du funiculaire assuraient l'éclairage quoi
qu'il arrivât. L'échappement se faisait par une cheminée rouverte par les services de Renault, et l'eau de refroidissement venait d'un
puits situé juste à côté des groupes.
La ventilation était assurée par deux prises d'air forcées, une à l'ouest au pied d'un puits d'aérage juste à côté du poste de secours
(40 000 mètres cubes à l'heure), et l'autre à l'extrémité de la carrière du levant, où un ventilateur de 8 chevaux aspirait 25 000 mètres
cubes à l'heure d'air extérieur via une galerie en pente communiquant avec une cheminée percée dans le mur de soutènement des
terres. L'air était distribué dans les locaux par des canalisations, et les débits étaient calculés pour assurer une légère surpression
due à l'absence d'installations d'extraction spécifiques.
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C'est d'ailleurs grâce à elle qu'on comptait lutter contre le péril chimique.
Pas de filtres, pas de sas hermétiques, que nenni ! Obturation des ouvertures par des rideaux qui, espérait-on, laisseraient sortir
l'air vicié sans laisser entrer l'air gazé, à cause de la surpression, et prélèvement de l'air extérieur uniquement par le biais de cheminées
dont les hauteurs (12 mètres) laissaient penser que les nappes toxiques stagneraient en dessous.
C'est d'ailleurs exactement le même système que dans les forts belges modernes de Liège tels qu' Aubin. De toute
façon, à l'époque, on ne se séparait jamais de son masque à gaz. Quant au type de toxique redouté, on n'envisageait manifestement que l'ypérite.
Faut dire que les Allemands avaient été fort satisfaits de l'effet de ce vésicant sur les Français, que les Français avaient été charmés de son
impact sur les Allemands, et que tout le monde se félicitait de son utilisation sur les rebelles marocains pendant la guerre du Rif.
Depuis le PC situé dans la carrière de l'est, recélant déjà un central téléphonique communiquant avec l'extérieur, rayonnait un réseau de sonorisation
avec ampli, micro, hauts-parleurs disposés stratégiquement, et même un tourne-disques à double plateau, en 78 tours évidemment, essentiellement
pour diffuser les consignes pré-enregistrées. Renault se flattait de pouvoir loger 12 000 personnes dans cet abri, non compris les habitants
du voisinage !!! qu'il recevait volontiers. (L'inventaire des vides souterrains de France établi par les géologues de la Wehrmacht en 1943,
ne mentionnant que l'entrée du funiculaire, l'attribue d'ailleurs aux ouvriers.) Comme la superficie globale des vides était estimée à un peu moins de
12 000 mètres carrés, y compris les galeries à flèches rouges où en principe personne ne stationnait, l'évaluation de la capacité paraît
optimiste. Les réfugiés ne devaient pas avoir froid.
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Repéré 2 sur le plan ci-dessus, l'aérage de la carrière ouest et du poste de secours : un
puits existant, qui dessert un ancien second étage, est coffré en brique pour réguler la distribution de l'air aspiré et diffusé par le
ventilateur de 12 chevaux. Derrière la cloison, c'est la salle d'opérations.
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Supra et infra, quelques vestiges des réseaux : pour la vapeur pour la stérilisation des instruments, les autoclaves, le chauffage et la
déshumidification, dont les tuyaux sont toujours revêtus de leur calorifugeage, et pour l'eau aussi bien froide que chaude (pour les douches des gazés
contaminés). Même si ces alimentations venaient de l'usine, particulièrement de la papeterie où eau et vapeur sont indispensables, un puits
surmonté d'une pompe de secours à main pouvait parer au plus urgent en cas de panne. |
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Quelques petits personnages gardent désormais avec bonhomie l'ancien hôpital souterrain. Ç'aurait peut-être été
la corpulence idéale admise pour faire tenir 12 000 personnes dans cet abri... |
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L'extrémité ouest de la galerie de jonction entre les deux carrières, dont elle rattrape la légère différence de niveau. En ciel, les isolateurs supportaient
les canalisations d'éclairage, mais aussi le téléphone (entre les deux bureaux des responsables et l'extérieur) et le réseau de sonorisation pour les
consignes et les annonces. |
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