Au sud de Bar-le-Duc, le pays de Savonnières-en-Perthois est connu et fréquenté des spéléologues pour les nombreux réseaux
karstiques trouant le plateau, et dont beaucoup ont été découverts grâce à leur recoupement par des exploitations souterraines
de pierre à bâtir. Une littérature abondante a été consacrée depuis longtemps à ces gouffres, abîmes, puits et réseaux, explorés
principalement par l'ASHM de Saint-Dizier, l'USAN de Nancy et Los Fouyants de Bar-le-Duc.
En revanche, peu de documentation sur les carrières elles-mêmes. A notre connaissance, un seul ouvrage récemment écrit en retrace
l'histoire, dont les coordonnées figurent en fin de ces pages. Bien évidemment, vu la modicité du prix, il ne faut
pas hésiter à l'acheter.
Sous Savonnières-en-Perthois et Aulnois-en-Perthois se développent deux des plus grands complexes souterrains connus, le
premier s'étendant facilement sur une bonne centaine d'hectares et le second sur une aire un peu inférieure. Peu de
carrières en France rivalisent avec elles. Un peu au sud de Savonnières, Brauvilliers, réputée pour l'excellente qualité
de sa pierre, offre des exploitations plus petites mais tout aussi intéressantes. Cela dit, les présentes pages vont
s'attacher essentiellement à la carrière sous-minant le village de Savonnières-en-Perthois.
Malgré leur jeune âge, puisque remontant à peine aux alentours de 1850 pour la majeure partie de leur développement, ces
souterrains ont activement participé à l'Histoire, tant parce qu'ils ont fourni leur matériau à de très nombreuses
constructions toujours debout que pour leur emploi au cours de la Seconde Guerre mondiale. Il faut tempérer la première assertion,
puisque de très anciennes traces d'exploitations à ciel ouvert mais aussi quelquefois souterraines ont été interprétées
comme d'époque gallo-romaine. Il a également été mis en évidence qu'à l'époque tardimédiévale le ciel ouvert de Savonnières,
ainsi que quelques travaux souterrains, ont fourni de la pierre aux chantiers de Troyes. Mais, en toute rigueur, les surfaces mises
en cause n'ont aucune commune mesure avec celles sous-cavées à partir du milieu du XIX
e siècle.
Ni les prix du sol ni les contraintes foncières n'étant critiques, comme souvent en province, l'extraction se faisait
par piliers tournés. Les ingénieurs des mines préconisaient de laisser des galeries de 4 à 4,5 mètres de large et des
piliers jamais inférieurs à 2 mètres de côté, ce qui conduit, on le voit, à un
taux
de défruitement voisin de 90 %. Il faut un toit assez solide et une pierre assez résistante pour assurer la pérennité
d'une exploitation dont une grande partie sous-mine purement et simplement le village... La résistance en compression de
la pierre exploitée, très variable selon les bancs, n'excède jamais 200 kg/cm2 avec une moyenne dépassant légèrement 100 kg.
Rien d'époustouflant, mais cela suffit pour la stabilité des vides.
Le meilleur moyen d'admirer cette pierre est en réalité de parcourir les villages du plateau barrois. Mise en valeur
par une architecture à la fois ornée et sobre, où les moulures soulignent les étages, elle offre des couleurs
extraordinairement belles, présentant toutes les nuances du beige clair au profond. Un magnifique exemple de cette
pierre locale (plutôt de ce type de pierre, rien ne prouvant que Savonnières est à leur origine) est donné par les
anciens bâtiments de la
papeterie de la Meuse. Mais bien entendu elle a
été mise en œuvre un peu partout : Paris (cité universitaire, église de la Trinité, gare de l'Est), et diverses
constructions à Roubaix, Lille, Bruxelles, Anvers, Louvain...